« L’art dans la rue » au musée d’Orsay : une immersion dans l’âge d’or de l’affiche illustrée

Du 18 mars au 6 juillet 2025, le musée d’Orsay accueille une exposition exceptionnelle : L’art dans la rue, qui explore l’émergence et l’essor spectaculaire de l’affiche illustrée à Paris, à la fin du XIXᵉ siècle. J’ai eu la chance de m’y rendre, et je ressors de cette visite absolument fascinée.

L’art au service des marques : LU, Saupiquet, Chocolat Meunier et la naissance de la publicité moderne

L’exposition L’art dans la rue montre aussi comment l’affiche illustrée a accompagné l’émergence de la société de consommation à la fin du XIXᵉ siècle. Des marques comme LU, Saupiquet ou Chocolat Meunier ont compris très tôt le potentiel de l’image pour séduire un public de plus en plus large.

Ces affiches, bien qu’à visée commerciale, sont de véritables œuvres d’art. Elles sont conçues avec soin, souvent signées par des artistes reconnus, et témoignent d’un souci esthétique qui dépasse la simple réclame.

Pour LU (Lefèvre-Utile), on pense notamment aux affiches de Firmin Bouisset, qui représentent une petite fille écrivant « LU » avec un biscuit trempé dans du chocolat. Cette image simple et attendrissante est devenue l’un des premiers exemples d’image de marque mémorable, ancrée dans l’enfance et la douceur.

Les sardines Saupiquet bénéficient elles aussi de visuels colorés et dynamiques. Leurs affiches mettent souvent en scène des scènes de pêche idéalisées ou des personnages souriants, renforçant une image conviviale et familiale du produit. L’idée est de rassurer le consommateur tout en rendant le produit désirable — une logique encore très actuelle.

Enfin, les publicités pour le Chocolat Meunier, réalisées par Bouisset ou d’autres, jouent sur les thèmes de l’enfance, de l’éducation et du plaisir. L’une des plus célèbres représente un petit garçon écrivant « Chocolat Meunier » sur un tableau noir — un clin d’œil à la mémorisation par répétition, mais aussi à l’idée d’un chocolat « bon pour les enfants ».

Ces affiches populaires sont un témoignage précieux de la naissance de la publicité moderne, où l’art se met au service du commerce sans perdre en créativité. Elles rappellent aussi combien le quotidien des Français a été peuplé, coloré et influencé par ces images devenues familières.

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Quand l’art descend dans la rue

Cette exposition nous plonge dans une époque où l’art ne se contentait plus des salons et des galeries : il s’affichait littéralement dans les rues de Paris. Grâce à des artistes comme Jules Chéret, Henri de Toulouse-Lautrec ou Alfons Mucha, l’affiche devient un véritable médium artistique, accessible à tous, et un reflet de la vie urbaine, festive et moderne.

Dès les premières salles, on comprend que ces œuvres colorées n’étaient pas seulement des outils publicitaires : elles ont marqué l’imaginaire collectif, influencé les modes et redéfini le rapport entre art et quotidien.

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Une scénographie dynamique et immersive

La mise en scène de l’exposition est particulièrement réussie. Les grandes affiches sont mises en valeur dans des espaces aérés qui rappellent les murs des rues parisiennes. On se promène comme dans un musée à ciel ouvert, entouré d’images vibrantes de cabarets, de spectacles, de produits de consommation… Un vrai voyage visuel et sensoriel dans le Paris de la Belle Époque.

Des vidéos, des croquis préparatoires et même des lithographies originales viennent enrichir la visite et montrent tout le travail d’innovation graphique derrière ces affiches.

L’affiche du Chat noir : un emblème de la vie artistique montmartroise

Parmi les affiches les plus emblématiques présentées dans l’exposition L’art dans la rue, celle du Chat noir attire immédiatement le regard. Créée en 1896 par l’artiste Théophile-Alexandre Steinlen, cette affiche est devenue l’une des images les plus iconiques de la Belle Époque.

Avec son chat noir aux yeux perçants, au corps stylisé et au regard presque surnaturel, Steinlen signe bien plus qu’un simple visuel publicitaire. Il donne une véritable identité visuelle à l’un des lieux les plus célèbres du Montmartre artistique : le cabaret du Chat noir, fondé par Rodolphe Salis en 1881.

Ce cabaret, véritable laboratoire d’idées et de spectacles, réunissait écrivains, peintres, chansonniers et anarchistes dans une ambiance à la fois bohème et effervescente. L’affiche, avec sa typographie audacieuse et son fond rouge profond, capte parfaitement l’esprit irrévérencieux et avant-gardiste de ce lieu mythique.

Ce qui frappe, c’est la modernité de la composition : Steinlen réduit les détails au minimum, joue sur le contraste, et place le chat comme une figure presque totemique. Cette œuvre illustre à merveille la manière dont l’affiche, à cette époque, dépasse sa fonction commerciale pour devenir une forme d’expression artistique à part entière.

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Mucha & Sarah Bernhardt : la naissance d’un style, l’Art nouveau

Un autre moment fort de l’exposition L’art dans la rue est sans conteste la découverte des sublimes affiches d’Alfons Mucha, réalisées pour la grande tragédienne Sarah Bernhardt. Leur collaboration, débutée presque par hasard, allait marquer à jamais l’histoire de l’affiche illustrée et contribuer à l’émergence de l’Art nouveau.

Tout commence en 1894, lorsque Sarah Bernhardt, déjà star incontestée du théâtre parisien, demande une affiche pour la pièce Gismonda. Le jeune Mucha, alors inconnu, relève le défi en quelques jours. L’affiche qu’il réalise est révolutionnaire : une composition verticale inédite, une palette de tons doux et nacrés, une figure élancée auréolée de motifs floraux et de dorures. Le succès est immédiat. Sarah Bernhardt est conquise, et leur collaboration durera six années.

Dans l’exposition, on peut admirer plusieurs de ces affiches devenues légendaires : La Dame aux camélias, Lorenzaccio, Médée… Chaque œuvre est une célébration de la diva, sublimée par l’élégance et la finesse du trait de Mucha. Il ne s’agit plus seulement de promouvoir une pièce, mais de créer un véritable objet d’art.

Mucha transforme l’affiche en icône : il mêle l’image de Sarah Bernhardt à des motifs inspirés de la nature, des ornements byzantins et un graphisme fluide. Cette esthétique nouvelle influence non seulement le monde du théâtre, mais aussi celui de la mode, du design et de l’architecture.

Ce que j’en retiens

Ce qui m’a le plus marqué, c’est la façon dont l’affiche illustrée a bouleversé les frontières entre art et publicité. Elle a permis aux artistes de toucher un public plus large, en s’adaptant aux supports de l’espace urbain. C’était aussi un moyen d’expression libre, parfois ironique, parfois provocant, toujours créatif.

On sent à quel point cette explosion visuelle a nourri l’identité visuelle de Paris, et comment elle continue d’influencer le design graphique contemporain.

Si vous passez par Paris avant le 6 juillet 2025, je vous recommande vivement cette exposition. Que vous soyez passionné d’art, de graphisme ou simplement curieux de découvrir un pan vivant de l’histoire visuelle de la capitale, L’art dans la rue vaut vraiment le détour.

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